André Déglise-Favre
SON HISTOIRE :
C’était un matin gris et froid, le 3 Novembre 1943.
Dans une cellule des prisonniers de la Gestapo de Limoges, le capitaine André DÉGLISE-FAVRE venait de s’éteindre, après avoir absorbé la pilule de cyanure qu’il avait en permanence sur lui, emportant dans la mort les secrets que n’ont jamais pu lui arracher les tortures ennemies.
La Savoie perdait ce jour-là, un de ses enfants les plus brillants et la Maurienne un de ses fils adoptifs les plus chers.
En effet, André DÉGLISE-FAVRE né à Monthion, a fait ses études secondaires au Collège de Saint Jean de Maurienne. A 15 ans, il est bachelier. En 1939 il est licencié es-lettres. La guerre l’appelle et le grand rêve qu’il confessait jadis à ses professeurs se réalise : devenir aviateur ! En Juin 1940, André DÉGLISE-FAVRE a ses galons d’aspirant. En 1942, il est licencié en droit.
Mais la France gémit sous la botte allemande et André DÉGLISE-FAVRE, âme ardente et généreuse, entend l’appel de ceux qui continuent la lutte et reprend sa place au combat dans la Résistance.
C’est encore vers la Maurienne qu’il revient en 1942 pour prendre contact avec les chefs de la Résistance. Avec eux il circule sans cesse pour mettre en place les postes émetteurs et assurer le ravitaillement des premiers maquis. Personne ne connaît André DÉGLISE-FAVRE mais seulement « BARTOLI ».
Traqué par l’Ovra et la Gestapo, André DÉGLISE-FAVRE doit s’enfuir au printemps de 1943 après leur avoir échappé de justesse à Chambéry. Arrivé à Londres, il y reçoit les galons de capitaine et, après des mois de préparation, il se voit confier la direction du Centre des Opérations de Parachutages et d’Atterrissages (C.O.P.A.) de Limoges, groupant 11 Départements.
En Août 1943, il est parachuté dans les environs de Limoges et prend en main son service qu’il réorganise et perfectionne d’une façon remarquable.
Le 2 Novembre, le capitaine « Mario-Napoléon Stefani », tel était son nouveau pseudonyme, est arrêté par la Feld-gendarmerie au cours d’une réunion qu’il tenait. Les tortionnaires le jettent en cellule ; mais le lendemain, ils ne trouvent que des lèvres hermétiquement closes par le sommeil de l’éternité…
Ainsi s’est éteint le sourire d’André DÉGLISE-FAVRE. Il repose parmi les siens à l’ombre de sa petite église de Monthion.
SA VIE :
Tous ces témoignages retracent la vie d’un hommage intègre, brillant et exceptionnel, aimé et admiré de tous. Depuis son plus jeune âge, toutes les personnes qui l’ont côtoyé ne manque pas de superlatif pour le qualifier.
Enfant, le prêtre de Notre-Dame-des-Millères avait déjà détecté en lui cette intelligence et ce besoin d’apprendre, il avait deviné que ce petit garçon ne pouvait avoir qu’un destin hors du commun (pour l’anecdote, un exemple parmi tant d’autres : André jouait de l’harmonium sans pour autant avoir appris ni le solfège ni la pratique d’un instrument de musique). C’est d’ailleurs ce curé qui a insisté auprès de la famille pour que sa scolarité ne s’arrête pas à l’école communale et qu’il entre au collège de Saint-Jean-de-Maurienne qui lui ouvrait les portes des écoles supérieures.
Il faut se souvenir qu’à cette époque, la France rurale cultivait la terre et en vivait. Les enfants devaient aider leurs parents à la ferme. Un fils ou une fille quittait la maison et c’était autant de bras en moins pour subvenir aux besoins de la famille. Son absence se ferait d’autant plus ressentir, que le père de André DÉGLISE-FAVRE était un grand mutilé de la guerre de 14-18.
Son cursus universitaire a été des plus spectaculaires : bachelier à 15 ans, licencié es-lettres, licencié en droit et licence de langue italienne. Malgré tout, il avait un rêve : être aviateur. Son rêve, il l’a réalisé.
Mais cette nature ardente ne pouvait supporter l’idée que son pays plie sous le joug de l’occupant. André DÉGLISE-FAVRE s’est donc engagé tout naturellement dans la Résistance afin de participer activement à la libération de la France. Il avait sans doute pressenti qu’il avait une mission à accomplir. Sa personnalité et sa vive intelligence ne pouvaient que le pousser à mener à bien les actions qui lui ont été confiées et qu’il a pu entreprendre.
D’ailleurs, en mémoire de ses actes de bravoure, le Général de Gaulle, Grand Maître de l’Ordre de la Libération lui a décerné par décret en date de 19 Octobre 1945, à titre posthume, la Croix de la Libération.
Le Royaume Uni, au nom du Roi par son Secrétaire d’État pour la Guerre, a également reconnu son courage et son dévouement à la cause de la Résistance en l’enregistrant au souvenir de l’Histoire en date du 12 Février 1946.
Malheureusement, son histoire s’est interrompue le 3 Novembre 1943 dans les circonstances tragiques que l’on sait.
Toutes les personnes qui l’ont connu sont unanimes ! Ce garçon si sympathique, plein de fougue, intelligent et brave (brave dans son sens le plus noble) était promis à un avenir national. Il aurait à coup sûr occupé les plus éminentes fonctions au sein de l’État ou atteint les plus hauts grades dans l’Armée française.
SON DESTIN ÉTAIT AILLEURS…
André DÉGLISE-FAVRE n’aurait sûrement pas accepté que l’Hommage, bien légitime, que nous lui rendons que aujourd’hui ne soit pas partagé avec ses compagnons de la Résistance, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent !
Combien d’hommes et de femmes, reconnus ou anonymes, ont fait don de leur vie pour que la France soit un pays libre !
Gardons en mémoire le courage et le dévouement dont tous ont su faire preuve, au service de leur pays et prenons en exemple l’idéal qui les a fait se dépasser souvent au péril de leur vie !
C’est grâce à tous ces héros que ces mots extraordinaires ont pris tout leur sens : LIBERTÉ – ÉGALITÉ -FRATERNITÉ
COMMÉMORATION DU 9 NOVEMBRE 2003 :
Le 9 Novembre 2003, Monthion a connu une journée forte en émotion, un devoir de mémoire. Ce jour-là, la Commune a commémoré le 60 ème anniversaire de la mort d’un résistant, enfant du pays connu dans la résistance sous le nom de Capitaine Mario Napoléon Stéfani. Sans oublier bien sûr tous ses compagnons résistants. Nous ne rappellerons pas ici les mérites de ce jeune homme plein d’espoir et de de témérité, doté d’une volonté farouche pour défendre son idéal jusqu’au don ultime de sa vie.
L’hommage vibrant qui lui a été rendu par la présence de centaines de spectateurs de tous âges, des personnalités officielles ou associatives : Associations des Anciens Combattants, du Souvenir Français, des militaires du 7 ème BCA, de l’Armée de l’Air, de la Gendarmerie, a traduit la reconnaissance des citoyens d’aujourd’hui, à ces hommes qui ont su gagner la liberté au prix de leur vie.
Le largage de tracts dont le texte libellé comme ceux qu’un certain « Bartoli » semait en 1942 sur la Maurienne « la Musique est un Art », les démonstrations de voltige réalisés avec brio, ont été un clin d’oeil à sa passion pour l’Aviation.
Ce jour là, l’école Communale a pris le nom de cet homme d’honneur : « École Communale André Déglise-Favre ».
L’école n’a pas failli non plus à ce devoir de mémoire. Les élèves et les enseignants ont intensément participé à cette fête, en créant et mimant des scénettes retraçant la vie d’André Déglise-Favre et en chantant le Chant des Partisants.
L’exposition faisait défiler des photos commentées par des textes sur Monthion durant la 2nde Guerre Mondiale. Des portraits saisissants réalisés par Eric et Gérald Lemoine étaient exposés.
Ce jour là, Monsieur Fernand Cibillon a reçu la Médaille de la Reconnaissance de la Nation pour ses activités dans la résistance. Moment d’émotion et de surprise également pour Fernand : sa petite fille Pauline, revêtue du costume folklorique savoyard, présentait cette médaille, symbole du devoir accompli.
L’Ensemble Réveil Albertvillois a su créer une ambiance et donner une note particulière à cette cérémonie par une interprétation remarquable des différentes partitions musicales.
Quelle journée !
Tous les participants gardent en mémoire tous ces moments et ne manquent pas de les évoquer lors de nos rencontres.
Monthion donne l’image d’un village dynamique, tourné vers l’avenir qui sait se souvenir de son passé en rendant un hommage légitime à ceux qui nous ont précédés.
COMMÉMORATION DU 11 NOVEMBRE 2013 :
Il y a 10 ans, le 60ème anniversaire de la disparition du Compagnon de la Libération André Déglise-Favre donna lieu à une commémoration officielle. Ce fut aussi à cette occasion que l’école de la commune reçut le nom de cet enfant du pays. 10 ans ont passé, et parallèlement à la commémoration de l’Armistice du 11 Novembre 1918, la municipalité souhaite rappeler aujourd’hui, 11 Novembre 2013, son action et lui rendre hommage…
Cet hommage se veut sobre, mais il nous paraît utile de rappeler les faits et de réfléchir sur la personne d’André Déglise-Favre. On sait sans doute déjà que celui qui » en son temps » fut plus jeune bachelier de France à 15 ans, obtint par la suite une licence ès Lettres. Mobilisé dans l’aviation au déclenchement du conflit, en 1939, il devint Aspirant de l’Ecole de l’Armée de l’Air à Blagnac (En Gironde) réalisant par là aussi un rêve d’enfance. Poursuivant ses études après l’armistice de 1940, il obtint deux nouvelles licences, en Sciences et en Droit, démontrant par là une remarquable curiosité intellectuelle.
Mais là n’est pas sa seule qualité : en 1942, alors que la région subissait l’occupation successive des troupes italiennes et allemandes et de leurs polices politiques respectives, l’OVRA et la Gestapo, le jeune homme épris de liberté qu’était André Déglise-Favre s’engagea dans la résistance. Recherché par ces deux polices, il leur échappa de justesse une première fois, et finit par rejoindre Londres en Juillet 1943. C’est là que les qualités repérées lors de son action pendant cette première période de son activité lui vaudront d’être formé comme Chef de région.
Après son retour quelques mois plus tard dans la région de Limoges, celui qui entretemps était devenu le « commandant Mario-Napoléon Stefani » va organiser et perfectionner le Centre des Opérations de Parachutages et d’Atterrissages (COPA) de la région, regroupant pas moins de 11 départements. Mission dont il s’acquittera de façon remarquable. Lorsque la gendarmerie allemande réussira à l’arrêter début Novembre 1943, celui qui n’a encore que 25 ans, restant d’une fidélité totale à ses idéaux, mettra volontairement fin à ses jours plutôt que de courir le risque de trahir ses compagnons sous la torture. Ainsi s’est éteint au matin du 3 Novembre 1943 André Déglise-Favre, compagnon de la Libération et enfant du pays.
Que l’école de notre commune porte son nom est une invitation permanente à la réflexion, un rappel des valeurs les plus nobles parmi celles que nous voulons transmettre à nos enfants : car André Déglise-Favre était mû à la fois par le goût du savoir et l’ouverture au monde, le sens du devoir et de la collectivité, par un goût infini de la liberté, mais possédait aussi un grand talent d’organisateur qui témoigne de son ancrage dans le réel. On peut probablement, sans grand risque de se tromper, déduire également des études qu’il fit à Sienne avant la guerre, qu’il considérait l’autre, le voisin comme a priori digne d’intérêt, pas comme ennemi. Ce goût de l’apprentissage dut nécessairement s’accompagner d’un goût profond pour la paix.
Nous rendons donc hommage à celui qui fut grand à plus d’un titre, mais l’hommage ne serait pas complet s’il ne constituait aussi l’occasion de rappeler en quoi il reste un modèle : pour nous, enfants, jeunes ou adultes qui célébrons aujourd’hui son souvenir, mais dans le même temps commémorons l’armistice du 11 Novembre 1918, le nom de cette personnalité solaire est certes synonyme de bravoure, d’héroïsme, mais il est avant tout porteur de valeurs positives, vivantes, qui nous invitent à nous tourner vers l’avenir.
L’année qui vient, 2014, verra la commémoration du déclenchement de la Grande Guerre puisqu’on la nomme ainsi. Essayons de la penser en ces termes : que le retour sur ces événements vieux de maintenant un siècle soit surtout l’occasion de réfléchir à notre avenir et à celui de nos enfants, tous plus forts de la connaissance des lois qui régissent effectivement notre monde, comme le fut sans nul doute André.